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Tintin et l'actualité
Tout artiste, même s'il crée un monde totalement fictif, a du mal à rester indifférent
face à l'actualité. C'est le cas d'Hergé. En effet, même si les Aventures de
Tintin paraissent, souvent, très éloignées de l'actualité, beaucoup de détails,
en arrière plan, sont présents pour n'être que pur hasard...
I- Tintin au pays des
Soviets et Tintin au Congo II- Le Lotus Bleu : le plus engagé des albums d'Hergé III- Les métaphores de l'actualité Le
10 janvier 1929, Hergé met en place un supplément pour le Vingtième Siècle
: Le Petit Vingtième.
Si le dessinateur a un don incontestable pour le dessin, il reste assez
indifférent face à ce qui se passe dans le monde. Mais les dirigeants
du Vingtième Siècle
voulaient faire la disgrâce du communisme et glorifier la cause belge
aux plus jeunes de leurs lecteurs. Le journal a ainsi forcé la main à
Hergé pour faire passer certaines idées dans ses futures créations. Tintin au pays
des Soviets est un leitmotiv contre le communisme. Pour la création
de cette aventure, Hergé n'a eu accès qu'à une seule source : Moscou
sans Voiles, écrit par Joseph Douillet, ancien consul de Belgique
en Russie, à Rostov sur le Don. L'ancien consul avance dans son ouvrage
un grand parti pris contre la Russie. Beaucoup de passages ont, en quelque
sorte, été adaptés en bande dessinée. (> voir Tintin au Pays
des Soviets). Le 5 juin 1930, commence à paraître Tintin au Congo. Cet album devait mettre en valeur la nation belge et donner une vision idyllique de sa colonie : Le Congo. Mais lors des rééditions de l'album, des modifications ont été apportées pour rendre l'ouvrage plus objectif. (> voir Tintin au Congo). Voyant peu à peu que son travail remporte du succès, le dessinateur
prend conscience de ce qu'il fait. Il décide de se documenter un peu plus,
de façon à éviter les revers d'une trop grande naïveté face aux événements.
Une fois qu'Hergé a été mis en contact avec Tchang Tchong-Jen, un étudiant
chinois, et après avoir compris l'incapacité de la Société des Nations
pour régler le conflit asiatique, il décida de défendre la cause chinoise
dans un album (> voir Le Lotus Bleu).
Cette aventure est la plus engagée de toutes. Hergé a voulu combattre
les préjugés occidentaux, au risque d'être soumis au poids de la censure.
Après Le Lotus Bleu,
Hergé continue à se documenter et à s'instruire. Mais, par peur de
la censure, et avec l'arrivée prochaine de l'Occupant, il décide de se
servir de l'actualité comme toile de fond aux différentes aventures. Pour
évoquer l'actualité, sans en subir les désagréments, le dessinateur va
la rendre indolore : Faux noms de personnages, pays fictifs, événements
modifiés, ... En cryptant l'actualité, Hergé parvient à faire passer certains
messages, même s'ils paraissent invisibles lors de la première lecture. Le meilleur moyen d'évoquer des événements internationaux sans parler clairement des états concernés, c'est bien sûr d'avoir recours aux pays imaginaires... Ce pays, du Sud de l'Amérique, est le premier pays fictif
d'Hergé. Il apparaît, pour la première fois, dans L'Oreille cassée.
Au San Theodoros, il règne une grande rivalité entre Alcazar et
le général Tapioca. Les deux généraux se combattent pour le pouvoir. Au
fil des albums, les coups d'états des deux dictateurs se succèdent, à
un rythme plus ou moins régulier. Mais l'évocation de l'actualité de l'époque
ne réside pas dans le combat Tapioca-Alcazar. En 1932, la Bolivie et le
Paraguay se
disputent le Gran Chaco, un territoire au sous-sol très intéressant. Chaque
pays est soutenu par une compagnie pétrolière. Dans L'Oreille
cassée, c'est Le San Theodoros qui se dispute le Gran
Chapo avec le Nuevo Rico. Les deux pays fictifs sont également soutenus
par des compagnies pétrolières. Le vendeur d'armes de l'album, Basil Bazaroff,
qui vend aussi bien des armes au Nuevo Rico qu'au San Theodoros, est en
fait la "mise en bd" d'un personnage réel : Basil Zaharoff,
un véritable vendeur d'armes qui a les mêmes pratiques que son homologue
de papier.
Le San Theodoros réapparaîtra plus tard, dans Tintin et les Picaros. Mais là, l'aventure n'aura aucun lien très direct avec l'actualité. Ces deux pays apparaissent pour la première fois dans Le Sceptre d'Ottokar.
A cette époque, L'Allemagne annexe l'Autriche. Le 13 mars 1938, c'est
l'Anschluss. Lors de son arrivée en Syldavie, Tintin découvre qu'un complot
contre Muskar XII, roi de Syldavie, est organisé par le pays voisin, la
Bordurie. La Bordurie veut en effet annexer la Syldavie. Mais cet "Anschluss
Bordure" ne fonctionnera pas. Dans l'album, le président de la garde
d'acier, dont le but est de dissoudre le pouvoir du roi Syldave, s'appelle
Müsstler. Ce nom est en fait une "fusion" de Mussolini (Müss-)
et d'Hitler (-tler).
Les deux pays fictifs, situés dans les Balkans, sont tout le temps évoqués ensemble. La Syldavie, le royaume du Pélican noir, est le pays "gentil". Certains passionnés de Tintin, comme François Rivière, identifient ce pays à une Belgique déguisée en pays slave. D'ailleurs, pour inventer la langue Syldave, Hergé s'est inspiré du patois bruxellois : le Marollien. La Syldavie est un pays très dynamique, malgré ses coutumes nombreuses. En effet, c'est de Syldavie que nos héros vont partir sur la Lune... La Bordurie, elle, est toujours l'ennemie. Plus qu'une menace pour la Syldavie, elle va être une menace pour l'humanité tout entière, en particulier dans L'Affaire Tournesol. Cette aventure est la métaphore de la guerre froide et de la course à l'armement. La Syldavie représente le bloc de l'Ouest et la Bordurie le bloc de l'Est. L'invention de Tournesol peut devenir une arme redoutable, et permettre à la Bordurie de conquérir le monde. Le dictateur Bordure,Pleksy-Gladz, est une caricature de Staline et son pays évoque beaucoup le régime communiste. Ce
pays d'Arabie apparaît pour la première fois dans Tintin
au Pays de L'Or noir. Lorsque qu'Hergé commença cette histoire,
la seconde guerre mondiale allait bientôt éclater.
On retrouvera Le Khemed, quelques aventures plus tard, dans Coke en Stock. La situation politique du Khemed ressemble fort à celle du San Théodoros. Le pouvoir est disputé entre deux hommes : Mohammed Ben Kalish Ezab, père d'Abdallah et ami de Tintin et Bab El Ehr, qui arrive à prendre le pouvoir provisoirement dans Coke en Stock par un coup d'Etat. De plus, tout comme pour le San Theodoros, les deux ennemis politiques sont soutenus par des industriels puissants. |
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